Il y a toi qui essuies ta moustache humide d’un revers de manche, et dans ta Manche il y a ton cidre.
Les bulles qui me sautent sur le nez le jour de ma première gorgée.
Il y a toi qui fredonnes un air que je ne connais pas, les yeux posés sur un morceau de liège que tu as découpé et scotché sur un coin de porte ; et dans cet air que tu fredonnes, il y a l’accordéon.
Tes semelles en carton trouées au retour du bal.
Il y a toi sur ton tracteur et l’odeur de l’essence. La rouille et le cambouis.
Et dans l’ascension lente de la fumée noire, il y a ton travail.
Un habitacle et un volant vibrant de rudesse et de vitalité.
Il y a toi qui lèches ton couteau.
Et dans la lame creusée par le schiste et le temps, il y a ton soin pour les choses. Ta méticulosité.
Il y a toi qui racontes une histoire que tu patoises à moitié, l’index pointant le ciel que tu remercies.
Et dans ta main qui fut tant force que douceur, il y a ton petit carnet.
Il y a toi qui voyages. Cartographiant la France et l’amitié à 70 km/h sur des nationales dont tu connais le nom.
Il y a toi qui aimes Georgette et Georgette qui t’aime, d’un amour sans orgueil et sans discours.
Il y a toi qui prends le miel au murmure des peupliers, le gravier humide et la rivière en bas.
Il y a le crachin qui tombe et la mer qu’on ne voit pas, par milliers les barrières aux ouvertures des champs.
Il y a un chien au loin et quelques hirondelles qui séjournent à l’hôtel de ton atelier.
Il y a ton four à pain et des tas de cousins pour célébrer la vie autour de tartes flambées.
Il y a mon papa, et son frère, et ses soeurs, infirmières et docteurs, qui s’occupent de toi.
Et puis il y a mon coeur
Et dans mon coeur, il y a tout ça.