Comme un serpent qu’Avril eut tiré du sommeil,
j’ondule dans la ville. Une forêt de choses
que je peine à bien voir, – hélas, pourtant j’essaye ! –
m’appellent. Mes paupières sont à demi closes,
J’ai faim, j’ai soif, j’ai peine à me mouvoir. Je pose
un regard endormi sur les plis colorés
d’une robe – un oiseau – ou serait-ce une rose ?
La question se re-pose à chaque éclat doré.
Je dois trouver la porte ; me traîne à l’orée
d’un bois paisible, à moins… que ça ne soit plutôt
qu’un parking imbécile ? Oh, Nature adorée,
pourquoi te montres-tu, puis te caches sitôt ?
Le vacarme des rues resserre son étau
sur mon cœur qu’un silence aurait fait tressaillir,
Et chaque tour de vis fait crier les métaux,
Taraudages rouillés, je me sens défaillir
Quand soudain, une eau claire se met à jaillir !
Un rayon – au travers – dévoile un spectre pur :
Immatière première en laquelle saillirent
les primaires couleurs, mères, sœurs des peintures !
L’émoi ne dure pas car déjà les voitures,
telles des vaches folles tournant dans l’arène
– meuglantes bagnoles ! – dressant leur ossature
Entre l’eau pure et moi se pressent par centaines.
Quel manège ! Un rond-point. L’eau semble si lointaine…
Un écriteau rouillé précise « non-potable »
« On se lave le cul à la claire fontaine
Et celui qui veut boire ira s’asseoir à table »
Trêve de confession, j’ai l’Avril irritable.
Au fil des déceptions je recoudrai mes yeux.
Ici, rien n’est resté de l’Être véritable
Ma jeunesse a parlé. J’étais trop ambitieux.
Alors, je m’abandonne à marcher, silencieux,
Dans un jardin public où hurlent des poupons
Ravalant ma tristesse, presque sentencieux
à l’égard des parents, tout fiers de leurs pompons,
Je leur jette un regard pointu comme un harpon
Et derrière eux, je vois la superbe glycine
Ses grappes mauves ploient, exhibent leurs jupons,
Son parfum se déploie. Je crois que j’hallucine :
Devinez ce qu’embrassent ses belles racines,
Et ce que de leur tronc à peine elles dévoilent ?
La grille en fer forgé ! Ah ! l’humain me fascine
pour être toujours là quand se lève le voile.
La nuit tombe. Voilà ! – me dis-je – les étoiles,
mes amies, mes chères, vont tirer leur rideau
Je serai l’araignée s’éveillant sur sa toile
quand tombe la rosée, guettant les gouttes d’eau,
Mais le ciel à Paris drape son grand landau
d’un nuage de lin, noirci par la fumée
rougeoyante de lampadaires, de flambeaux,
que Dante eut bien décrit – pétrole consumé –
Mais voilà que dans l’antre de l’air consommé,
Comme un œil blanc qui s’ouvre dans l’ombre, sans bruit,
S’illumine une étoile…  – Oh ! viens me consoler ! –
…puis traverse le ciel, clignotant dans la nuit.

Poèmes aléatoires :

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