Il y a
à cet instant précis que j’emploie à vous écrire,
et vous donc à me lire – peut-être à m’écouter –
tandis que d’autres boivent leur soupe ou leur vin,
allument leur télé, leur bouilloire ou leur cierge
dans des chambres d’hôtels, des mosquées, des chapelles,
un livre dans la main – un vêtement peut-être –
s’affairent à trier fourchettes et cuillères, fruits mûrs, fruits abîmés,
dans de petits paniers de plastique ou de fer
il y a
à cet instant précis – ce maintenant qui file tandis que nous parlons
(pour certains de voyage ou de mathématiques,
pour d’autres de l’été qui est parti d’un coup)
loin du grand tintamarre du périphérique,
du marché aux bestiaux, du terrain de basket,
loin de ce qui se vend et de ce qui s’achète,
loin du terminal 4 et de nos hôpitaux ;
il y a
ancré dans le présent de l’air qui maintenant pénètre vos poumons,
et de son oxygène qui court dans votre sang,
dans l’éternel instant qui nous balade en laisse,
qui confond le prochain battement de nos coeurs
et celui de nos cils ;
il y a
quelque part dans le monde
une algue qui ondoie
un frelon qui s’endort
un champignon qui croît
et peut-être autre-chose
que nous ne savons pas.