C’est un tout autre temps qui rythme mes pensées
Depuis bientôt deux mois que je vois balancer
ce balancier d’ébène aussi souple qu’un tulle
À leur croupe pendu, languissante pendule
Du ciel, on ne verrait qu’un carré de verdure
Parsemé de points noirs aux diverses allures
Et de loin je le jure on aurait trouvé beau
De voir trois juments paître au milieu des corbeaux
Ah ! j’aurais adoré n’être qu’une hirondelle
Et ne voir de ce pré que son vert éternel
– Le vert gras de la vie qui ouvre grand sa bouche –
Et ne voir dans ce noir que de petites mouches !
Hélas je suis un homme et de ce beau spectacle
Je ne vois qui se puisse porter au pinacle
Rien que la force triste de brouter encore
Cette herbe qu’auraient pu courir de jeunes corps
Les heures sont trop longues et le pâquis trop grand
Pour que l’herbe et le deuil qu’avalent ces juments
Soient un jour digérés et pour que derrière elles
Ne repousse aussi vite ce vert éternel
Vert qui recouvre tout : la misère et la mort
que les hommes ont semé, et qu’ils sèment encore ;
Qui recouvre l’absence d’autant de poulins
Qu’il n’a déjà couvert les murs de nos moulins.