Je ne veux plus parler
Que pour dire des poèmes 
Et que jamais ne sorte de ma bouche trop sale
de laquelle ont jailli 
Des paroles indignes
Des paroles infâmes 
La parole d’un homme 
Qui parle comme crie 
L’avidité banale 
Qui regarde le prix de la vie et s’exclame :
C’est bien trop cher ! 
L’air outré et surpris. 

Je ne veux plus parler
Que pour dire des poèmes
Déjà trop de malheurs ont tapissé mes nuits 
Déjà trop de chaleur s’est perdue dans le lit
De femmes trop patientes
À m’écouter, souriantes 
Raconter ma douleur
Maquillée, travestie. 

Et si chaque syllabe 
Ou phonème ou consonne
Dont j’ai souillé la terre et l’oreille trop douce 
Que vous aviez tendue à leur triste refrain 
Si chacune des lettres
Aux sinistres paroles
Qui ont sillonné l’air
De mon sourire amer aux regards attentifs 
Que vous m’avez offert
Si chaque instant de honte
Que vous faisait subir 
Ma langue trop pendue
Pour pousser le soupir
Qui demande pardon

Si chacun de ces mots dont je vous ai frappé 
Avait été la part ou l’intégralité 
De sublimes poèmes
J’aurais semé déjà 
Dans les plaines du monde mon lot de beauté 
J’aurais déjà chanté
Comme brandit la fronde 
David face au géant
Fier d’être le porteur 
Du verbe flamboyant
D’un message divin 

Humains ! Relevez vous ! 
Portez fièrement au ciel cet infâme caillou 
Ne craignez plus la honte
Ne parlez plus du tout 
Brandissez face au monstre
Votre fierté, vaincue
Et dans vos poings serrés,
De rage et d‘émotion 
faite la tournoyer 
Et qu’on entende fendre 
le néant, son cri
Et heurter à la tempe 
Le géant, surpris. 

Je ne veux plus parler 
Que pour dire des poèmes
Et si rien sous mes lèvres 
N’est assez beau 
Assez pur,
Assez coupé de moi pour être véritable,
Si rien n’est assez vrai pour éclore en ma bouche 
Alors je veux me taire et rester bien muet
Plutôt que de nourrir de vanités affables
Mon pauvre et regrettable ego contrarié.

Que mes lèvres soient closes comme en hiver la porte
Hermétique et poreux,
Que tout rentre et que rien ne sorte qui ne soit prose
Ne m’écoutez plus, mais regardez mes yeux
Ils vous diront je t’aime, 
Ils vous diront merci
Comme mes lèvres ils peuvent se fermer aussi
Je ne veux plus parler que pour dire des poèmes,
Parce que l’univers ne s’exprime qu’ainsi. 

Poèmes aléatoires :

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