Te trouver belle, ça m’est tombé dessus avec la douceur d’une première neige : d’abord – c’est à peine si on regarde par la fenêtre – du coin de l’œil, on perçoit ce grésillement du paysage, des stries incolores qui font s’ébrouer les camélias et pâlir les ombres par endroits. Ce serait déjà trop dire qu’on la voit, on la devine plus qu’autre chose, avec une acuité relative à ce qu’on connaît son propre jardin, et pendant une brève seconde, on en conclut qu’il pleut.
Simplement – et c’est là le premier miracle (et comme tous les miracles, il ne recouvre qu’une fraction d’instant, celui de la surprise) – le temps s’est ralenti.
Les gouttes, qui d’ordinaire fondent sur la pelouse comme un faucon sur sa proie, semblent flotter dans l’air en de gracieuses spires, comme si les nuages s’entraînaient à écrire, peut-être à dessiner.
Dehors, il fait si froid qu’elles se sont enveloppées dans leurs habits d’hiver, alors on dit « il neige » avec un grand sourire (ou alors on se tait en n’en pensant pas moins.)
De là, on peut vouloir sortir ou demeurer chez soi. Se dire au fond que ça ne tiendra pas ou au contraire n’être habité que par la joie de voir tomber les flocons et penser « c’est bon » ou bien « c’est doux », songer à ouvrir grand la bouche pour s’en remémorer le goût divin, le faire ou bien se raviser en voyant un flocon se poser sur son nez et se dire « c’est bien ».
Mais toujours, le lendemain, un second miracle advient lorsque les volets s’ouvrent.
Te trouver belle, ça m’est tombé dessus entre la première neige et son lendemain, quand nuit et sommeil concourent à effacer le sourire d’un visage imprimé par l’idée que peut-être, à l’aube, la neige aura nappé le paysage d’un peu de sa beauté, ou alors, au contraire, que les nuages seront passés, de nuit, pour effacer leur croquis. Qui sait ?