Le Bonheur se dit mal
Et souvent je me tais
De ne savoir ni le dessiner ni le dire
ni le chanter ni l’écrire
Le bonheur se dit mal 
Il se dit sans parler
D’un regard d’un sourire
Ou d’un amour muet
Qui se poste solide aux ouvertures des êtres

Le bonheur se dit mal 
Et bien souvent je tais 
D’avoir couru derrière 
D’avoir tendu mes bras
D’avoir tendu mes mains
D’avoir tendu mes doigts
Et refermé leur peigne
Sur son ombre trop jeune
Comme un grain de pollen 
Au matin du printemps
Qu’on essaye de prendre d’un air détaché 
Pour ne jamais montrer son émerveillement. 

Le bonheur se dit mal
Et comme le pollen 
Il faudrait pour l’étreindre 
Ne pas fermer ses mains 
Le laisser se coller contre la paume creuse
N’y penser qu’à moitié, et n’en attendre rien
Lenteur. I s’agit de tout faire lentement
Laisser le vent le prendre
Simplement l’accueillir 
La précipitation le fera toujours fuir 
Et rien ne sert d’attendre
Il ne vient qu’en son temps.

Quand le bonheur s'en va, 
Se produit quelque chose de très saugrenu
Quand il s’en va, c’est comme 
Si on ne l’avait jamais connu
Mais d’abord on le cherche 
Comme un enfant sa mère 
dans les supermarchés 
On retourne nos poches
Et déplie les papiers
Ouvre la boîte aux lettres 
Relit chaque courrier 

Quand le bonheur s’en va
Il le fait en silence
Ainsi on n’en remarque que trop tard l’absence,
Et accusant le ciel, et jurant haut et fort
Qu’on se porte bien mieux sans son maudit refrain
Et agitant dans l’air nos bières et nos mains
On écarte les grains de ses petites spores
On retourne la terre où sont plantées les graines
Jurant par Lucifer que le bonheur n’est rien 
Que s’il se dit si mal, c’est qu’il se tait si bien
On souffle, on crie, on crache, et chasse le pollen
Et déjà on oublie ce qu’on cherchait alors
On replie nos papiers, et on remet nos poches
Sans trop savoir pourquoi, on embrasse nos proches
Quand le bonheur s'en va, on part chercher de l’or

Et quand on le dépense,
Pour prendre des vacances 
Et redonner du sens 
À ce triste labeur

Quand de nouveau les heures
Retrouvent leur substance
Libre des échéances
On dit : « Ah ! C’est l’bonheur ! »

Ce n’est pas le bonheur. 
Mais comment pourrait on le savoir
Nous qui ne l’avons jamais connu ?
Car son dernier séjour en nos cœurs
N’a laissé plus d’empreintes que la main dans l’eau
A peine retirée que se ferme aussitôt 
Le trou de son passage, sa plaie, son odeur. 

Le bonheur se dit mal et je profite un peu 
Qu’il se soit fait la malle pour parler de lui
J'entends son souvenir partir avec la pluie
Et lentement j’oublie pourquoi je vous en parle

Mais avant qu’il n’efface la dernière trace 
Du vert de son passage au marron de mes yeux
Je profite ce soir de vous avoir en face 
Pour chercher sa couleur dans vos regards curieux

Car il n’est jamais loin, il sait se faufiler
Et quand il part il passe d’un regard à l’autre
Ce bonheur que j’ai eu, c’est maintenant le vôtre
Surtout ne bougez pas, il pourrait s’en aller. 

Poèmes aléatoires :

Back to Top